POINT DE VUE

Les hydrocarbures, un nouvel enjeu dans le conflit libyen

La Libye est un pays nord-africain partageant ses frontières avec l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte, le Tchad, le Soudan ainsi que le Niger. Deuxième plus grande réserve pétrolière d’Afrique, après le Nigeria, et neuvième position au niveau mondial avec 41,5 milliards de barils, elle détient soit 3% des réserves mondiales. Le pétrole aujourd’hui exploité a été découvert dans les années 1960-1970. Depuis, il n’y a plus eu de prospection de ressources pétrolière sur le territoire libyen. On suppose que les ressources sont bien plus grandes que celles que l’on connaît actuellement. 

Pour la première fois, depuis le début du conflit interne en Libye, le général Haftar inclut les hydrocarbures dans sa guerre contre le gouvernement de Tripoli.

Haftar met fin aux exportations de pétrole libyen en période où le marché pétrolier est en excédent, c’est-à-dire qu’il y a plus d’offre que de demande. Le prix du baril s’est effondré. La menace du général Haftar est passée inaperçue. Les acteurs du marché en question ont même été enchanté que la Libye se retire volontairement du marché pétrolier international. 

Jusque-là, le secteur des hydrocarbures était laissé de côté dans le conflit entre les gouvernements de Benghazi et Tripoli. Le secteur des hydrocarbures était resté épargné, contrairement aux autres infrastructures économiques et civiles. Les protagonistes de ce conflit, avaient bien conscience, que de détruire le secteur pétrolier revient à détruire l’avenir du pays. Car il faut savoir que le secteur des hydrocarbures rapporte 98% des recettes extérieures ainsi que 70 à 80% du PIB. Ce secteur emploie plus de 30’000 individus et contribue à 2/3 du PIB national. 

Un aspect important des champs pétrolifères est sa distribution géographique. Ils se situent dans trois bassins géologiques précis. Le premier est celui qu’on appelle le croissant fertile (bassin de Syrte) à l’est du pays. Le choix du général Haftar lorsqu’il décide de s’emparer de Benghazi fait un choix stratégique, sachant que 60% des ressources pétrolières libyenne sont situées sur ce territoire. Il détient alors la région la plus riche en ressources pétrolières. Pour citer quelques chiffres, cela revient à contrôler un million de barils de pétrole par jour. Alors que les 300’000 autres barils sont répartis sur les deux autres sites pétroliers, le bassin de Mourzouk ainsi que le bassin de Ghadamès. 

En prenant possession du bassin de Syrte, le général Haftar occupe la raffinerie de Ras Lanouf, qui extrait plus de 200’000 barils de pétrole raffiné par jour, ce qui revient quasiment à la consommation intérieure libyenne de pétrole. Cela signifie pour Haftar qu’il a suffisamment de ressources pour alimenter son armée en carburant, un détail important lorsque vous êtes en guerre. Car sans carburant, vous êtes dépendant des importations. Le contrôle des raffineries et du terminal pétrolier donne la possibilité d’exporter le pétrole et ainsi en extraire un revenu.

En théorie, le général Haftar détient 60% des ressources pétrolifères libyenne, ce qui revient à 1’000’000 de barils bruts par jours ainsi que 200’000 barils raffinés par jour. 

Cependant, un problème subsiste. L’unique protagoniste légalement autorisé à exporter le pétrole est le gouvernement de Tripoli, qui lui détient le deuxième terminal le plus grand, Zaouïa. Sans cette autorisation de la communauté internationale, le gouvernement de Benghazi se voit dans l’impossibilité de vendre son pétrole aux autres états, sauf peut-être la Corée du Nord ou encore des compagnies pétrolières pirates. La National Oil Compagny(NOC) est la seule compagnie libyenne légalement autorisée à exporter et vendre le pétrole sur le plan international. Donc on peut dire que Haftar est en possession de la matière brute, le pétrole, mais ne détient pas l’instrument de l’exportation et de la vente du pétrole. 

Le général Haftar a tenté deux stratégies afin de s’inclure dans l’exportation du pétrole libyen. Tout d’abord il a demandé à la NOC d’ouvrir une succursale d’elle-même à Benghazi. Il va par la suite, créer une seconde Banque Centrale, qui lui sera utile dans les transactions commerciales. Aujourd’hui, il existe en Libye deux Banques Centrales sur un même territoire, mais une seule est reconnue par la communauté internationale. 

Quel intérêt militaire y a-t-il pour Haftar de prendre le pouvoir à Tripoli ? A vrai dire, il en a beaucoup. Car sans le contrôle de Tripoli, il est condamné à détenir les ressources, mais ne pas pouvoir les exportées légalement. La Libye est un pays concurrentiel dans le pétrole, en raison de son faible coût et sa proximité des marchés européens.  

La question qu’il reste à se poser est le général Haftar va-t-il parvenir à renverser le gouvernement de Tripoli ? Et si oui, la communauté internationale va-t-elle reconnaître le nouveau gouvernement du général ? Et ainsi vouloir importer le pétrole libyen ? 

Compte rendu réalisé par Fleur Mast 

Table-ronde du CERMAM « Libye : les dynamiques internes et les influences externes », M. Luis Martinez, 27 février 2020


[1][En ligne] URL : https://www.tdg.ch/monde/croissant-petrolier-syrte-cur-rivalites/story/12805977(consulté le 2 avril 2020)

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