PORTRAITS

Hasni Abidi, spécialiste du monde arabe et des relations qu’il entretient avec le monde occidental

Spécialiste du monde arabe et des relations qu’il entretient avec le monde occidental, Hasni Abidi est un pionnier en la matière. Avant les événements tragiques du 11 septembre, il a créé le CERMAM, un centre de recherches spécialiste du monde méditerranéen. Portrait.

« Il y a un déficit en matière de connaissance du monde arabe dans les pays occidentaux ».

Ce constat, Hasni Abidi l’a dressé assez vite.

Après une scolarité réussie en Algérie, Hasni quitte son pays natal, direction la Suisse pour poursuivre ses études universitaires. Admis par l’université de Genève pour un diplôme d’étude européenne, Hasni est attiré par l’étude comparative et les relations entre l’Europe et le monde arabe. A une époque, les années 80, où le monde arabe ne passionne pas les Occidentaux.

« Le monde arabe était perçu comme une région statique, immobile, inintéressante ».

Soutenu par son directeur de mémoire, Hasni continue dans cette voie et écrit une thèse qui a pour thème « L’Algérie, relation entre le pouvoir politique et le mouvement islamiste, entre coexistence et confrontation ».

« Je voulais garder un lien virtuel, académique avec le monde arabe, région de mes origines ».

Un monde arabe méconnu

Début des années 90, Hasni intègre la prestigieuse université de Genève d’abord comme assistant de recherche puis comme chargé de cours. Il détonne en instaurant un séminaire sur la politique méditerranéenne de l’Europe.

« En ce temps-là, il n’y avait pas un seul module, séminaire ou cours sur le monde arabe. Comment s’étonner alors d’avoir cette ignorance sur le sujet ? ».

Résolu à gommer cette absence, Hasni Abidi tente de convaincre l’université du bien fondé d’enseigner le monde arabe en tant que tel. Il se heurte à un refus catégorique sans réelles explications :

« Il y avait une austérité à Genève, les autorités universitaires ou politiques hésitaient ou refusaient que le monde arabe soit enseigné. Le rectorat a dit niet ».

Création du CERMAM

En 1999, il décide de créer un centre de recherche indépendant.

« L’idée était de présenter le monde arabe de manière dogmatique, d’une manière objective aux non arabophones mais aussi aux instances politiques ou grandes sociétés qui s’intéressent au monde arabe ».

Quatre ans après le processus de Barcelone, le Centre d’Etudes et de Recherche sur le Monde Arabe et Méditerranéen (CERMAM) voit le jour à Genève. De jeunes doctorants intéressés par le sujet sont recrutés. Autour du CERMAM, des réunions et des ateliers se tiennent.

Intrigués, les gens commencent à se poser des questions : « « Ils roulent pour qui ? Pourquoi le monde arabe ? » Très vite, on les a rassurés. Intégrer le mot « méditerranéen » ne voulait pas dire que nous étions un centre ethnique ni un club med du monde arabe, mais plutôt un laboratoire d’analyse ».

Malgré les interrogations, le centre peine à trouver son public.

Un déclic religieux

Le tournant a lieu le 11 septembre 2001 :

« Malheureusement et heureusement pour nous, les évènements du 11 septembre ont réveillé notre tutelle, désormais, le monde arabe et/ou l’islam méritaient une attention particulière ».

L’intérêt de l’Occident et de la Suisse en particulier se renforce. Le CERMAM connaît alors un nouvel essor.

« Le déclic a été religieux, les gens se demandaient comment des gens aussi brillants arrivaient à défier le centre de l’Occident ? ».

Les rares cours d’arabe de la région sont pris d’assaut. A Genève, la librairie « L’olivier », plus vieille bibliothèque d’Europe, vend ses Corans comme des petits pains.

Mais l’intérêt pour un événement ne remplace pas la connaissance nécessaire à sa compréhension. Les clichés se multiplient et l’islamophobie grimpe doucement mais sûrement en Europe. Hasni Abidi dénonce les errances d’un système éducatif responsable de cette poussée d’extrémisme.

« Quand le savoir est filtré, c’est grave. Le monde arabe mérite sa place, le décideur d’aujourd’hui, c’est l’œil de l’étudiant des années 90, s’il a un bagage suffisant de la culture arabo-musulmane, il ne sera pas islamophobe et saura discerner ».

Pour lutter contre la méconnaissance du monde arabe, une seule solution, « miser sur l’éducation et l’enseignement », conclut-il.

Jonathan Ardines
LE COURRIER DE L’ATLAS

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